LES LEGENDES DU COLVERT
Par Stéphane BERTRAND
Les légendes du Colvert défient le temps.
Ecoute! Elles nous arrivent avec le vent.
N° 28L
LA FEMME IMMORTELLE.
Elle était une vieille femme qui avait vécu de nombreuses années toute seule après le décès de son époux bien aimé. Il était mort comme il avait vécu, là-bas quelque part dans un désert des terres australes. Impossible de rapatrier son corps, dévoré par les vautours, pour faire son deuil. Qu'aurait elle fait de trois ou quatre os secs et blanchis par le soleil? Elle n'était pas encore très, très vieille, mais très âgée aux yeux de ses voisins. Ceux-ci se succédaient de génération en génération dans leur maison sans qu'un seul pli des rides de son visage ou de son cou, ni de ses mains, ne s'accentuât chez elle. Et afin de faire revivre tout ce que son mari avait accompli durant sa vie à lui, un jour la vieille dame avait décidé de vivre éternellement! Une décision forte et sans appel, aidée en cela par les esprits immortels scandinaves que son mari avait importé de Norvège. Elle l'avait prise comme le point final, que l'on ne discute pas, d'un livre, d'un conte, de la vie des autres mais pas de la sienne. Ceci afin de raconter, voire écrire une légende, qui conterait tout ce que son homme avait accompli sur terre et survivrait ainsi au temps et à l'oubli. De la façon, en plus, comme si elle l'avait toujours accompagné, en permanence à ses côtés, lors de ses très nombreux voyages, pas toujours pour aller tranquillement en congés payés!
"Au premier jour de notre rencontre, j'étais debout, enchaînée sur l'estrade d'un marchand d'esclaves. J'avais dix-sept ans. C'était jour de marché! Les badauds achetaient leurs fruits, légumes, épices et viande de la même façon qu'une jeune fille pour accommoder ces mets délicieux et leur servir de domestique jusqu'à un âge avancé. Quand, plus bonnes à rien, vieillies, édentées, on nous jetait dans la rue sans un sou. C'est ainsi que nous finissions, nous les servantes, notre vie, en mendiantes à quémander un morceau de pain, assises sur les marches de la grande salle de prières surmontée d'une coupole habillée de tuiles vertes et entourée de quatre tourelles. Comme dans tous les bourgs d'Orient. Mais, heureusement, celui qui devait devenir mon mari fidèle, m'a achetée en surenchérissant sans cesse sur les sommes proposées par d'autres acheteurs. Il m'a payée très cher. Plus tard il m'a avoué que cette somme fabuleuse ne correspondait même pas à un millième de l'amour qu'il avait éprouvé pour moi au premier regard. Quelle merveilleuse chance j'ai eue ce jour là! Et quel travail pour les gnomes apprivoisés de ses poches pour confectionner les pièces d'or l'une après l'autre."
"Il avait été capitaine d'un énorme chalutier qui allait pêcher des baleines au pôle Nord et des sardines au pôle Sud. Une fois il y avait une sirène prise dans les filets. Elle ne chantait plus mais pleurait à faire monter le niveau de la mer. Le bas de son corps avait des reflets d'arc en ciel. Mon homme l'avait libérée, elle lui avait donné quelques écailles qu'il avait réunies en un joli collier pour moi! En mettant pied sur la banquise, pour quelques jours de repos, il avait choisi un hôtel luxueux entièrement construit en pains de glace. Dans la salle de bains, la glace qui fondait doucement et gouttait du plafond servait ainsi de douche. Le savon était fait de graisse de phoque."
"Quand il a vécu au sud dans le grand désert d'Afrique, pilotant les caravanes à travers ces immensités, sans poteaux indicateurs au croisement des pistes, il montait un dromadaire qui lui obéissait à la voix : debout, couché, à genoux, en avant...la monture s'exécutait sans rechigner et le protégeait la nuit entre ses pattes, couchée, le dos tourné du côté d'où venait le vent chargé de sable. Les elfes blancs invisibles, nombreux dans le désert, berçaient son sommeil léger. Mon mari et ses hommes habillés en bédouins avaient surnommé ces grandes bêtes "les vaisseaux du désert" car leur façon de se déplacer, de roulis en tangage, donnait souvent aux cavaliers un mal de mer avec vomissements à la clé! Souvenir des océans baignant les pôles? Aux extrémités de la terre, en haut ou au bas, pas de mirages! Là, il n'y avait que l'astre le plus adoré au monde, sublimé par les hommes de nombreuses civilisations, pour la chaleur, des dunes, une palmeraie de temps en temps et un puits...asséché!"
"A propos d'Afrique, au coeur de ce continent, mon mari avait été un "Ranger" dans la brousse et la savane, continuellement à la chasse aux braconniers. Ces derniers tuaient sans distinction les rhinos pour vendre leur corne râpée en poudre aux Asiatiques, les cuissots de "springboks" * pour les barbecues, les trompes d'éléphants aux orchestres locaux, la peau des zèbres comme déco murale, les crinières des lions pour s'en faire des cache-cols bien chauds, exportés dans les pays nordiques et, parmi bien d'autres, la peau des crocodiles pour fabriquer des chaussures pour dames ou des porte-monnaie pourtant toujours vides dans ces régions! A un moment donné il avait pensé à faire naturaliser les têtes des brigands qu'il avait abattus et les accrocher, comme un trophée de chasse aux murs de sa maison. Heureusement une copine d'alors l'avait persuadé de ne pas le faire car parmi toutes ces têtes il y avait celles de son grand-père, père et un oncle, son grand 'frère et son ex-mari!"
"A un de ses retours en Europe, il avait inventé le cirque inversé. Les spectateurs étaient des animaux et c'étaient les humains qui faisaient le clown sur la piste. Et pas seulement! Monsieur Loyal était un tigre royal du Bengale, ami de mon mari, et tout ce petit monde à deux pattes qui avait copieusement fouetté chameaux, chevaux, zèbres, chats et chiens jusqu'aux éléphants pendant des siècles, lui obéissait au doigt et à l'œil, au moindre rugissement. C'est sûr, il n'avait pas besoin de long fouet ou de griffe d'acier acérée pour mettre les humains à genoux, les faire sauter à travers un cerceau enflammé ou saluer d'une courbette les spectateurs. Ceux-ci applaudissaient, qui avec ses quatre pattes ou leurs cornes, qui avec leur trompe et oreilles, ou en dessinant de jolies arabesques avec leurs queues en l'air sous les moustaches de leurs voisins. Le numéro préféré était, sans conteste, celui du dressage des mauvais garçons qu'il avait sortis de prison et dont il y en avait toujours un qui servait de casse-croûte au dresseur en fin de spectacle! Le sable de la piste absorbait bien, sans laisser de trace, tout ce qui était rouge. Là aussi "Fée Palette" veillait!"
"Lorsqu'il posait son avion à réaction sur le bout de la piste d'atterrissage quelque part aux Amériques, ses copains lui demandaient à quelle hauteur il était monté? "Aujourd'hui je ne sais pas trop car en passant au-dessus d'une grande ville j'ai fait tomber toutes les antennes qui finissaient en forme de mains, l'index levé, en haut des gratte-ciel. J'ai atterri plus tôt que prévu car cela me démange partout! Au prochain vol j'irai déchirer les nuages où se prélassent les anges depuis qu'ils sont, eux aussi, aux trente-cinq heures hebdomadaires au lieu d'assurer une permanence de vingt-quatre heures par jour comme il convient à tout ange gardien!"
"Il avait aussi voyagé aux Indes lointaines où, et c'était une de ses manies, il avait chargé à dos d'un pachyderme un village de chasseurs d'ivoire. Ces derniers coupaient et sciaient les cornes des éléphants pour en faire des sculptures et les vendre aux voyageurs passant par là. Plus près de nous en Europe, avec une petite armée à sa solde et de gros véhicules, il avait libéré au pays le plus bas, des milliers de visons que l'on y élevait pour leur fourrure. Mais qui en ce siècle porte encore manteaux ou vestes en peaux d'animaux? Les cirques y sont passés aussi, les animaux enchaînés libérés. Ils vivent maintenant dans de très grands zoos, bien protégés des vandales assoiffés de sang. Là encore, elfes, magiciens, nains et géants échappés des livres des enfants, fées et dragons divers, l'avaient bien aidé à construire ces refuges. Et mon mari en était l'ingénieur principal, leur chef d'orchestre."
"Ah! J'ai failli oublier qu'il avait aussi exercé le métier de Gaucho dans le sud extrême de l'Amérique latine. Il galopait à travers la pampa sauvage pour attraper des chevaux qui y vivaient en liberté. Mon homme avait alors un cheval dirigé par un "elfe des plaines" qui se tenait sans peine sur son épaule droite, lisait dans son cerveau et transmettait en langage codé les ordres à son fier alezan. Chevauchées de jour comme de nuit dans des paysages à la beauté indescriptible. C'est de là-bas qu'il m'avait rapporté une selle cloutée de diamants, comme le bord supérieur de ses bottes, qui m'ont bien aidé pour vivre après son décès. En les faisant sauter de leur écrin confortable, un par un tous les six mois, j'allais faire mes courses. Aujourd'hui la selle est bien ordinaire et ne brille plus du tout, faute de cirage sans doute!"
" Mais assez bavardé pour aujourd'hui; Peut-être qu'un jour, si mes souvenirs ne vous ennuient pas trop, je vous raconterai pourquoi il avait toujours son scalp, sauvé des Sioux où il était attaché à un poteau, par Buffalo Bill. Comment il avait survolé des volcans à dos d'un dragon dressé; qu'il avait servi d'espion aux rois de France et d'Angleterre; comment il a survécu en Sibérie vivant en bonne entente avec les ours blancs et les grizzlis par moins 65° et bien des autres aventures. Mais pour ce soir je m'arrête là. Comprenez qu'à mon âge la fatigue se fait sentir de bonne heure et la soif aussi!"
LA VIE COMMENCE ET FINIT SOUVENT EN PLEURS
MEME QUAND ON LA TRAVERSE SANS PEURS.
* Springboks: Ce sont de jolies petites gazelles du désert, couleur sable, vivants en groupe sous l'autorité d'un mâle dominant.
Le Colvert, Baudienville, juillet 2020.
© Stéphane Bertrand.
LES LEGENDES DU COLVERT
Par Stéphane BERTRAND
Les légendes du Colvert défient le temps.
Ecoute! Elles nous arrivent avec le vent.
N° 28L
LA FEMME IMMORTELLE.
Elle était une vieille femme qui avait vécu de nombreuses années toute seule après le décès de son époux bien aimé. Il était mort comme il avait vécu, là-bas quelque part dans un désert des terres australes. Impossible de rapatrier son corps, dévoré par les vautours, pour faire son deuil. Qu'aurait elle fait de trois ou quatre os secs et blanchis par le soleil? Elle n'était pas encore très, très vieille, mais très âgée aux yeux de ses voisins. Ceux-ci se succédaient de génération en génération dans leur maison sans qu'un seul pli des rides de son visage ou de son cou, ni de ses mains, ne s'accentuât chez elle. Et afin de faire revivre tout ce que son mari avait accompli durant sa vie à lui, un jour la vieille dame avait décidé de vivre éternellement! Une décision forte et sans appel, aidée en cela par les esprits immortels scandinaves que son mari avait importé de Norvège. Elle l'avait prise comme le point final, que l'on ne discute pas, d'un livre, d'un conte, de la vie des autres mais pas de la sienne. Ceci afin de raconter, voire écrire une légende, qui conterait tout ce que son homme avait accompli sur terre et survivrait ainsi au temps et à l'oubli. De la façon, en plus, comme si elle l'avait toujours accompagné, en permanence à ses côtés, lors de ses très nombreux voyages, pas toujours pour aller tranquillement en congés payés!
"Au premier jour de notre rencontre, j'étais debout, enchaînée sur l'estrade d'un marchand d'esclaves. J'avais dix-sept ans. C'était jour de marché! Les badauds achetaient leurs fruits, légumes, épices et viande de la même façon qu'une jeune fille pour accommoder ces mets délicieux et leur servir de domestique jusqu'à un âge avancé. Quand, plus bonnes à rien, vieillies, édentées, on nous jetait dans la rue sans un sou. C'est ainsi que nous finissions, nous les servantes, notre vie, en mendiantes à quémander un morceau de pain, assises sur les marches de la grande salle de prières surmontée d'une coupole habillée de tuiles vertes et entourée de quatre tourelles. Comme dans tous les bourgs d'Orient. Mais, heureusement, celui qui devait devenir mon mari fidèle, m'a achetée en surenchérissant sans cesse sur les sommes proposées par d'autres acheteurs. Il m'a payée très cher. Plus tard il m'a avoué que cette somme fabuleuse ne correspondait même pas à un millième de l'amour qu'il avait éprouvé pour moi au premier regard. Quelle merveilleuse chance j'ai eue ce jour là! Et quel travail pour les gnomes apprivoisés de ses poches pour confectionner les pièces d'or l'une après l'autre."
"Il avait été capitaine d'un énorme chalutier qui allait pêcher des baleines au pôle Nord et des sardines au pôle Sud. Une fois il y avait une sirène prise dans les filets. Elle ne chantait plus mais pleurait à faire monter le niveau de la mer. Le bas de son corps avait des reflets d'arc en ciel. Mon homme l'avait libérée, elle lui avait donné quelques écailles qu'il avait réunies en un joli collier pour moi! En mettant pied sur la banquise, pour quelques jours de repos, il avait choisi un hôtel luxueux entièrement construit en pains de glace. Dans la salle de bains, la glace qui fondait doucement et gouttait du plafond servait ainsi de douche. Le savon était fait de graisse de phoque."
"Quand il a vécu au sud dans le grand désert d'Afrique, pilotant les caravanes à travers ces immensités, sans poteaux indicateurs au croisement des pistes, il montait un dromadaire qui lui obéissait à la voix : debout, couché, à genoux, en avant...la monture s'exécutait sans rechigner et le protégeait la nuit entre ses pattes, couchée, le dos tourné du côté d'où venait le vent chargé de sable. Les elfes blancs invisibles, nombreux dans le désert, berçaient son sommeil léger. Mon mari et ses hommes habillés en bédouins avaient surnommé ces grandes bêtes "les vaisseaux du désert" car leur façon de se déplacer, de roulis en tangage, donnait souvent aux cavaliers un mal de mer avec vomissements à la clé! Souvenir des océans baignant les pôles? Aux extrémités de la terre, en haut ou au bas, pas de mirages! Là, il n'y avait que l'astre le plus adoré au monde, sublimé par les hommes de nombreuses civilisations, pour la chaleur, des dunes, une palmeraie de temps en temps et un puits...asséché!"
"A propos d'Afrique, au coeur de ce continent, mon mari avait été un "Ranger" dans la brousse et la savane, continuellement à la chasse aux braconniers. Ces derniers tuaient sans distinction les rhinos pour vendre leur corne râpée en poudre aux Asiatiques, les cuissots de "springboks" * pour les barbecues, les trompes d'éléphants aux orchestres locaux, la peau des zèbres comme déco murale, les crinières des lions pour s'en faire des cache-cols bien chauds, exportés dans les pays nordiques et, parmi bien d'autres, la peau des crocodiles pour fabriquer des chaussures pour dames ou des porte-monnaie pourtant toujours vides dans ces régions! A un moment donné il avait pensé à faire naturaliser les têtes des brigands qu'il avait abattus et les accrocher, comme un trophée de chasse aux murs de sa maison. Heureusement une copine d'alors l'avait persuadé de ne pas le faire car parmi toutes ces têtes il y avait celles de son grand-père, père et un oncle, son grand 'frère et son ex-mari!"
"A un de ses retours en Europe, il avait inventé le cirque inversé. Les spectateurs étaient des animaux et c'étaient les humains qui faisaient le clown sur la piste. Et pas seulement! Monsieur Loyal était un tigre royal du Bengale, ami de mon mari, et tout ce petit monde à deux pattes qui avait copieusement fouetté chameaux, chevaux, zèbres, chats et chiens jusqu'aux éléphants pendant des siècles, lui obéissait au doigt et à l'œil, au moindre rugissement. C'est sûr, il n'avait pas besoin de long fouet ou de griffe d'acier acérée pour mettre les humains à genoux, les faire sauter à travers un cerceau enflammé ou saluer d'une courbette les spectateurs. Ceux-ci applaudissaient, qui avec ses quatre pattes ou leurs cornes, qui avec leur trompe et oreilles, ou en dessinant de jolies arabesques avec leurs queues en l'air sous les moustaches de leurs voisins. Le numéro préféré était, sans conteste, celui du dressage des mauvais garçons qu'il avait sortis de prison et dont il y en avait toujours un qui servait de casse-croûte au dresseur en fin de spectacle! Le sable de la piste absorbait bien, sans laisser de trace, tout ce qui était rouge. Là aussi "Fée Palette" veillait!"
"Lorsqu'il posait son avion à réaction sur le bout de la piste d'atterrissage quelque part aux Amériques, ses copains lui demandaient à quelle hauteur il était monté? "Aujourd'hui je ne sais pas trop car en passant au-dessus d'une grande ville j'ai fait tomber toutes les antennes qui finissaient en forme de mains, l'index levé, en haut des gratte-ciel. J'ai atterri plus tôt que prévu car cela me démange partout! Au prochain vol j'irai déchirer les nuages où se prélassent les anges depuis qu'ils sont, eux aussi, aux trente-cinq heures hebdomadaires au lieu d'assurer une permanence de vingt-quatre heures par jour comme il convient à tout ange gardien!"
"Il avait aussi voyagé aux Indes lointaines où, et c'était une de ses manies, il avait chargé à dos d'un pachyderme un village de chasseurs d'ivoire. Ces derniers coupaient et sciaient les cornes des éléphants pour en faire des sculptures et les vendre aux voyageurs passant par là. Plus près de nous en Europe, avec une petite armée à sa solde et de gros véhicules, il avait libéré au pays le plus bas, des milliers de visons que l'on y élevait pour leur fourrure. Mais qui en ce siècle porte encore manteaux ou vestes en peaux d'animaux? Les cirques y sont passés aussi, les animaux enchaînés libérés. Ils vivent maintenant dans de très grands zoos, bien protégés des vandales assoiffés de sang. Là encore, elfes, magiciens, nains et géants échappés des livres des enfants, fées et dragons divers, l'avaient bien aidé à construire ces refuges. Et mon mari en était l'ingénieur principal, leur chef d'orchestre."
"Ah! J'ai failli oublier qu'il avait aussi exercé le métier de Gaucho dans le sud extrême de l'Amérique latine. Il galopait à travers la pampa sauvage pour attraper des chevaux qui y vivaient en liberté. Mon homme avait alors un cheval dirigé par un "elfe des plaines" qui se tenait sans peine sur son épaule droite, lisait dans son cerveau et transmettait en langage codé les ordres à son fier alezan. Chevauchées de jour comme de nuit dans des paysages à la beauté indescriptible. C'est de là-bas qu'il m'avait rapporté une selle cloutée de diamants, comme le bord supérieur de ses bottes, qui m'ont bien aidé pour vivre après son décès. En les faisant sauter de leur écrin confortable, un par un tous les six mois, j'allais faire mes courses. Aujourd'hui la selle est bien ordinaire et ne brille plus du tout, faute de cirage sans doute!"
" Mais assez bavardé pour aujourd'hui; Peut-être qu'un jour, si mes souvenirs ne vous ennuient pas trop, je vous raconterai pourquoi il avait toujours son scalp, sauvé des Sioux où il était attaché à un poteau, par Buffalo Bill. Comment il avait survolé des volcans à dos d'un dragon dressé; qu'il avait servi d'espion aux rois de France et d'Angleterre; comment il a survécu en Sibérie vivant en bonne entente avec les ours blancs et les grizzlis par moins 65° et bien des autres aventures. Mais pour ce soir je m'arrête là. Comprenez qu'à mon âge la fatigue se fait sentir de bonne heure et la soif aussi!"
LA VIE COMMENCE ET FINIT SOUVENT EN PLEURS
MEME QUAND ON LA TRAVERSE SANS PEURS.
* Springboks: Ce sont de jolies petites gazelles du désert, couleur sable, vivants en groupe sous l'autorité d'un mâle dominant.
Le Colvert, Baudienville, juillet 2020.
© Stéphane Bertrand.