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Les Contes du Colvert
8 août 2018

LES TROIS OURSONS.

LES CONTES DU COLVERT

par Stéphane BERTRAND

NOUVELLE SERIE

 

 

N°29NS

LES TROIS OURSONS.

 

Dans un pays lointain recouvert de forêts de sapins majestueux, où la neige cache sous  sa couette épaisse et blanche toute la nature cinq mois par an, vivait une maman grizzly qui portait le joli nom d'Alaska. Elle était impressionnante par sa taille et   sa force.  Son amour pour ses trois oursons était aussi immense qu'elle était grande et forte. Elle avait donné le jour à ses petits au fond d'une grotte qui était sa tanière. Là étaient nés, à peu d'intervalle, deux garçons Aldo et Alex, puis Abby leur  sœur. Leur robe était d'un brun foncé à reflets bleutés noir-ébène et tous les trois avaient une tache blanche, de la taille d'une pièce d'un dollar argent, sur le poitrail comme maman et comme papa aussi. Papa, lui,  avait été tué par des trappeurs quelques mois plus tôt lors d'une battue aux loups! Difficile pourtant de confondre un énorme grizzly avec un coyote. Le besoin de tirer sur un bel animal avait été plus fort que le respect de la faune sauvage. Tuer pour le plaisir de tuer!

En ce mois de janvier-là, il faisait particulièrement froid et la neige était tombée en gros flocons étoilés sur plusieurs mètres d'épaisseur. Les trois oursons avaient vite fait leur fourrure d'hiver en tétant copieusement le bon lait de maman grizzly, bien qu'en cette période d'hivernation,  la nourriture se faisait plus rare. Et Alaska, encore triste du départ de leur père, se disait: "Vivement l'hiver prochain  que mes petits soient plus grands, ils pourront vivre alors leur première nuit de Noël avec son miracle de minuit, lorsque tous les arbres de la forêt s'éclaireront, comme par magie, et scintilleront de mille feux. Ah, les jolis reflets de ces millions de lumières multicolores sur la neige et les stalactites qui pendraient à l'extrémité des branches! Elles s'éteindront avec l'arrivée du jour nouveau." Sur ces pensées joliment illustrées, la maman grizzly s'endormit, ses trois amours bien au chaud entre ses pattes serrées  contre son ventre douillet. Heureuse.

Quelque temps après, quand les premiers chants des oiseaux réveillèrent la nature au printemps et les hibernants de leur sommeil, la faim au ventre, la jolie petite famille d'Alaska ouvrit elle aussi ses yeux. Le museau en éveil, Alaska sortit la première, pour s'assurer qu'aucun danger ne guettait ses petits. Elle huma l'air environnant après avoir dégagé avec ses grosses pattes quelques tas de neige encore durcis par le gel nocturne. Aldo, Alex et Abby  commencèrent, vite fait, une bataille de boules de neige. Puis tout à coup Alaska sentit comme une odeur de poisson. Curieux, se dit-elle, nous sommes pourtant loin de la rivière. Soudain elle vit arriver vers elle comme une très grosse boule de neige d'ou dépassaient un museau noir et la queue d'un gros saumon! La "boule" se secoua et il en sortit une ourse polaire blanche comme neige, une cousine très éloignée, disait-on, d'Alaska, et qui résidait d'ordinaire dans un igloo non chauffé près du pôle nord. Toute seule.

"Salut la cousine," grogna joyeusement l'ourse blanche. "Je vous ai apporté le petit déjeuner. En passant la rivière, encore partiellement gelée, j'ai eu la chance d'attraper sans peine ce beau et gras saumon."  Alaska appela ses gamins pour leur montrer le poisson. Leur premier saumon. Tous trois reniflèrent copieusement et, à l'unisson, retournèrent téter maman. Ils apprendraient plus tard au cours des trois années à venir, se dit Alaska, ils ne sont pas encore prêts à me quitter! Et elle se mit à dévorer ce saumon tout frais et délicieux. "La cousine" s'était endormie après son long chemin et bientôt Alaska fit de même pour digérer et les trois petits aussi. La fatigue aidant d'avoir si bien joué dans la neige.

C'est alors que "la cousine blanche" ouvrit un œil, constata que son plan avait fonctionné et très doucement s'approcha des dormeurs, saisit un ourson par la peau du cou avec sa gueule et quitta les lieux très vite. Abby encore somnolente, ne se réveilla que bien plus tard, au moment ou sa ravisseuse traversa la rivière, de bloc de glace en plaques, sans glisser. En habituée!

Du côté de la tanière d'Alaska, alors que le printemps  débutait timidement, la vie était axée sur la recherche d'Abby. Aldo et Alex jouaient peu, tentaient de suivre leur mère constamment en mouvement à la poursuite de telle ou telle piste qu'ils avaient du mal à suivre longtemps. Dès le lendemain de la disparition inexpliquée d'Abby, maman grizzly avait lancé une alerte enlèvement via le réseau "Nouvelles de la Forêt" exploité par les écureuils, si nombreux que les informations circulaient rapidement d'arbre en arbre,  plus vite encore qu'ils ne se déplaçaient. Une semaine plus tard, toujours rien, pas le moindre indice sur ce qui avait pu se passer. Et la cousine! Elle est où?

C'est au cours d'une de ces promenades, qui avaient pour but unique de trouver la trace d'Abby, qu'Alex fut enlevé par un  pygargue à tête blanche et à l'envergure impressionnante. Alors qu'Alaska et ses deux petits étaient tranquillement installés dans une jolie clairière où éclataient au soleil encore timide, les premières perce-neiges sauvages, que l'accident était survenu. Maman grizzly était allée à la pêche et rapportait une belle truite afin que ses deux garçons goûtent à autre chose que son propre lait. C'est à ce moment que l'aigle avait fondu sur eux, s'était emparé d'Alex et d'un coup d'ailes vigoureux, s'était élevé au dessus des cimes des sapins environnants.

Alaska avait, bien entendu, tenté d'empêcher cela et s'était jetée de toutes ses forces sur l'aigle mais celui-ci avait été plus rapide et agile qu'elle. Les larmes aux yeux, la grizzly avait à nouveau appelé les écureuils à son secours. Ceux-ci s'étaient éparpillés dans la forêt et avaient essayé de suivre le vol de l'aigle en sautant de cimes en branches, tout en le tenant à l'œil. Mais quand le pygargue avait quitté la zone boisée et était parti plus haut dans la montagne, ceux qui le poursuivaient, ne pouvaient s'aventurer en terrain découvert. Ils avaient vu l'aigle s'élever contre la muraille montagneuse dans le but de rejoindre son aire. Alaska après plusieurs tentatives de suivre la direction qu'avait pris le ravisseur, avait dû y renoncer devant la fatigue que montrait le petit Aldo. Alors elle avait rebroussé chemin pour rentrer dans sa maison ne voulant en aucun cas laisser seul l'unique petit ourson qui lui restait.

Le quotidien était devenu vite très triste et silencieux dans et autour de la grotte d'Alaska. Celle-ci  ne lâchait pas du regard son petit bonhomme ours. Tous deux ne sortaient plus que pour cueillir quelques baies sauvages pour se nourrir et restaient tapis, l'un contre l'autre, au fond de leur tanière.

Un matin cependant ils furent réveillés par des cris d'hommes et des aboiements de chiens. Bientôt les chiens pénétrèrent dans la grotte et montrèrent leurs dents aux deux ours. Aldo curieux s'était un peu éloigné de sa mère croyant trouver de nouveaux compagnons de jeu. Sa maman avec sa grande taille et ses grognements tentait de faire fuire les chiens. Ceux-ci prudents reculaient devant cette masse menaçante non sans avoir entouré l'ourson pour le diriger vers la sortie à force de petites morsures aux pattes comme s'il était une vulgaire brebis égarée du troupeau. Malgré cela Alaska avait décidé de ne pas bouger sachant pertinemment que si elle se présentait à l'entrée de la grotte elle serait immédiatement abattue par les chasseurs assoiffés de sang, heureux de donner la mort, afin de se procurer un beau "jeté-de-peau" pour leur divan. Elle repensa au papa de ses petits qui lui aurait conseillé cette prudence.

Les chasseurs emprisonnèrent l'ourson dans un grand filet pour le transporter vivant à leur véhicule tout-terrain en se félicitant de leur prise dont l'avenir, dans leurs esprits, était tout tracé. Il finira à faire le beau dans un cirque après s'être fait dresser durement à coups de fouet. Et ni les hommes  ni les chiens retournèrent à la grotte où silencieusement Alaska pleurait en pensant à ses trois petits tout en maudissant toutes les ourses polaires, tous les aigles et tous les hommes et leurs chiens, la vie. La nuit d'Alaska allait se trainer en longueur sans sommeil, cela même en fermant ses doux yeux marrons laissant perler de grosses larmes amères.

 

°°°°°°°°°°°°

 

Après vingt-quatre heures de désespoir, Alaska décida que l'enlèvement de ses trois oursons ne pouvait en rester là et qu'il fallait agir rapidement en priant tous les esprits bienveillants de la forêt afin qu'il soient toujours en vie et bien portants. Au moment de  sortir de sa grotte, Alaska se trouva nez-à-nez avec un troll, qu'elle avait déjà croisé à maintes reprises dans les parages. Un voisin très discret.

"Ah, vous voilà dame Alaska! Justement je voulais vous voir car le quartier semble bien tranquille depuis que vos petits ne jouent plus en plein air. Vont-ils bien?" demanda encore ce gentil troll. Alaska, à nouveau en larmes, entre deux hoquets, raconta tout à son visiteur, les enlèvements successifs, ses recherches qui n'avaient rien donné, n'oubliant pas son énorme chagrin.

"Mais que me dites-vous là? Il faut agir tout de suite et je m'en charge. Ne vous éloignez pas trop, car d'ici quelques heures, je serai de retour avec tout ce que compte la forêt d'esprits bienveillants et nous mettrons en place un système de recherches universel. Attendez nous, chère Alaska!" Et sur ces paroles le troll s'enfonça bien vite sous les fougères de la forêt et disparut du regard de l'ourse.

Le troll lui aussi fit appel au grand réseau des écureuils pour réunir d'urgence tous ses amis. C'est ainsi que tous les responsables souhaitant mettre leurs pouvoirs au service d'Alaska répondirent à l'appel du troll. La reine des sylphes régnant sur l'air et les vents arriva la première à la grotte de l'ourse, bientôt suivie du roi des faunes dont la spécialité était les arbres, les bois et forêts. Les nymphes et ondines se chargeraient des lacs et rivières sans oublier la mer. Quant aux aides et commis de la fée Morgane, ils prendraient soin de tout ce qui concerne la chaleur, le soleil et le feu.

Une fois au courant du triple malheur qui avait frappé Alaska, tous repartirent très vite pour mettre en action tous leurs réseaux à travers le vaste monde. Le premier ourson qui fut repéré  fut Aldo dans le grand cirque implanté au centre de la ville de l'autre côté des montagnes. A première vue il allait bien à l'exception de quelques traces de fouets sur son poil un peu terni par l'emprisonnement subi, enchaîné par une patte. Une escadrille de sylphes repéra Abby, tâche foncée sur la glace blanche près du pôle nord, accompagnée de la fausse cousine de sa mère. La troisième bonne nouvelle tomba le jour suivant, Alex était retenu sur l'aire de l'aigle qui semblait le nourrir pour l'engraisser et en faire un festin l'hiver prochain.

Une réunion urgente fut organisée par tous les acteurs participant aux recherches devant la tanière d'Alaska. Celle-ci, folle de joie, en apprenant que ses trois amours étaient toujours en vie, entreprit la "danse tribale des futures retrouvailles" autour du gros tronc de l'arbre le plus proche. Puis elle remercia de tout son coeur ses amis, esprits et fées, lutins et gnomes sans oublier son voisin le troll. Les fées, avec leur baguette magique, furent chargées du rapatriement des trois oursons et le régiment de lutins de choisir la punition adéquate à appliquer aux ravisseurs.

Comme il se faisait déjà tard quand la séance fut levée, Alaska alla se coucher en attendant, avec une grande impatience, le lendemain matin qui verrait revenir Aldo, Alex et Abby. Epuisée par tant de stress Alaska s'endormit profondément. Ce n'est que le lendemain qu'elle se rendit compte qu'entre ses pattes, recroquevillés et bien au chaud, dormaient à nouveau ses trois trésors, enfin de retour à la maison. Elle pleura encore, mais cette fois-ci de bonheur en pensant qu'ils seraient là, tous les trois, pour vivre dans neuf mois la féerie de la nuit de Noël.

Au dehors, devant la grotte tous les amis qui avaient travaillé ensemble afin de ramener les trois oursons à leur mère les attendaient. Une fois les quatre museaux noirs bien visibles ils applaudirent Alaska et ses trois petits. Puis le troll raconta comment les ravisseurs avaient été punis. Tous s'y étaient mis, fées, lutins, gnomes, etc. pour leur faire payer leur méchante action. L'aigle avait reçu un seau de désherbant et toutes ses plumes s'étaient envolées au vent et serviraient aux autres  petits oiseaux à construire leurs nids, mais lui ne pouvait plus voler.  L'ourse blanche, en manque et mal d'enfant, s'était retrouvée fixée sur un énorme iceberg qui dériverait au plaisir des courants de la mer le restant de sa vie. Quant aux hommes et leurs chiens, qui avaient vendu le jeune Aldo au cirque, ils étaient statufiés ensemble à un croisement de chemins forestiers en personnages de glace et fonderaient tout naturellement au soleil du printemps qui s'annonçait enfin.

Alaska, Aldo, Abby et Alex avaient beaucoup ri en écoutant le récit de leur voisin, le gentil troll. "Ainsi justice est faite! Merci à vous tous. Ces punitions infligées à ceux qui se croyaient les maîtres de nos forêts et  qui pensaient que tout leur était permis, serviraient d'exemple. A partir de maintenant nous pourrons tous vivre en paix!" C'est avec de nouveaux applaudissements que furent accueillis les conclusions d'Alaska et tous les présents retournèrent à leurs tâches habituelles avec le sentiment d'avoir accompli leur devoir tout en rendant Alaska heureuse.

 

 

 

LA NATURE SERA TOUJOURS PLUS FORTE QUE LES HOMMES,

SURTOUT AVEC L'AIDE DE BONS ESPRITS AUX IDEES  BONNES.

 

 

 

Le Colvert, Baudienville, Août 2018.

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