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Les Contes du Colvert
13 avril 2019

LA PIEUVRE VOLANTE

LES CONTES DU COLVERT

par Stéphane BERTRAND

NOUVELLE SERIE

 

 

N° 37 NS

 

LA PIEUVRE VOLANTE.

 

A un moment donné,  mais ce moment-là s'est perdu dans les méandres des temps anciens. Car dans ces temps-là et dont on parle  encore,  les contes et autres histoires commençaient invariablement par: "Il était une fois"! Et cette fois-là, qui à quelques siècles d'intervalle, doit correspondre à ce moment-là, évoqué plus haut, l'erreur se produisit. C'est là que Dame Nature, qui avait tant fait auparavant afin que faune et flore se développent harmonieusement sur notre globe, commit une faute en fonction de son planning de fabrication. Elle s'était plantée!

Il faut dire aussi qu'elle était fatiguée et ne se rappelait plus de combien de races de fourmis elle avait saupoudré la terre. Drapée dans son habit vert qu'il fallait tondre régulièrement, elle restait néanmoins très digne en manipulant ses baguettes "Marche", "Nage", "Rampe", "Vole", etc. qu'il fallait passer au dessus de chaque embryon unique en précisant combien il en fallait de la sorte. Quel boulot!

Au moment de peupler la mer elle vit arriver sur le tapis-roulant un petit tas de gélatine marqué " espèce sous-marine" et baptisa par erreur ce truc translucide et gluant de sa baguette "Rampe" et "Nage" mais n'ayant pas reposé la baguette dont elle s'était servie juste avant pour les oiseaux, celui-ci reçut également un coup de celle notée "Vole". Et Dame nature passa aux suivants sans rectifier le précédent. Quelle erreur!

La petite gélule couleur grise tirant sur le marron clair, une fois arrivée dans le milieu dit naturel auquel elle était destinée, à savoir le fond de l'océan, se transforma en une superbe pieuvre à huit tentacules munies de ventouses très efficaces. Aussitôt son ventre cria famine et le premier crabe passant à sa portée fut décortiqué en un rien de temps. Puis le poulpe fit un petit tour dans les environs pour se trouver une jolie petite grotte qui deviendrait sa maison. En sifflotant "Home sweet home"*, Il rampa de-ci de-là, rencontrant beaucoup de futurs voisins. Et au coin de la rue, ou plutôt au coin du rocher, une grosse araignée de la famille des céphalopodes benthiques, une bulle d'air sur la tête, comme le scaphandrier porte son casque, afin de respirer à ces profondeurs, quittait son logement pour remonter à la surface pour faire le plein d'oxygène. Coup de chance!

Les voisins étaient charmants, les crustacés et autres gourmandises délicieux, mais au fur et à mesure que le temps passait notre pieuvre s'ennuyait. Alors pour se distraire elle entreprit d'ouvrir un cabaret dont elle était la seule employée et attraction. Configurée comme elle l'était, à l'entracte au bar, huit spectateurs étaient servis à la fois. Elle présentait un spectacle de danse et de contorsionniste qui était en fait une synthèse des déhanchements orientaux mêlée à un prière à bouddha lui faisant offrande avec quatre de ses bras**. Elle eut du succès et un soir, où elle avait dû abuser du plancton sous-marin, elle se balança en tous sens, rassembla ses tentacules en une longue queue derrière elle et partit comme une flèche de la scène. Une véritable fusée!

Et ce soir-là, encore une nouveauté! Au lieu de tirer le rideau au moment du clap de fin, la pieuvre projeta une grosse quantité d'encre en contractant sa poche-du-noir. Tous les spectateurs affolés furent incommodés à des degrés différents et leurs boissons transformées en café. Elle-même  était devenue toute noire aussi. Et noir... c'est noir!

Personne ne pourra jamais expliquer ce qui s'était passé ce soir-là dans la tête de notre poulpe. Toujours est-il que la poussée émise pour quitter la scène fut énorme et qu'il s'est propulsé hors de l'eau comme une fusée pour se retrouver dans les airs. Missile mer-terre!

Une fois là-haut, la pieuvre ralentit sa vitesse prenant soin de toujours garder ses tentacules bien tendues et droites. Elle progressait rapidement pour bientôt atteindre une côte sablonneuse. Devant une rangée multicolore de cabanes de plage, des dizaines de gamins faisaient, ou essayaient de, faire voler leur cerf-volant.  Il y en avait de toutes les couleurs qui représentaient des animaux de toutes tailles, aux formes multiples et gracieuses. Elle fit quelques tours avec ses collègues de papier qui, l'un après l'autre, regagnaient la terre ferme. Seule dans les airs, en vedette comme dans son cabaret, elle exécuta quelques belles figures très applaudies par les gens sur la plage. Alors notre poulpe se contracta, émit une longue traînée de fumée noire comme certains émettent derrière eux des traces veloutées tricolores, accéléra vers le ciel et disparut de la vue de ses admirateurs terrestres. Ceux-ci ont attendu en vain un éventuel retour. Nul ne  revit jamais notre pieuvre! On dit - mais ce on, c'est un inconnu - qu'elle s'est portée volontaire pour régler la circulation, très dense, dans les grands carrefours de la voie lactée! Roulez chars de lumière chargés d'étoiles! Embouteillages célestes! Par quatre ou par huit à la fois?

 

AUX OISEAUX LE CIEL APPARTIENT

L'HOMME Y VA POUR RIEN!

 

 

 

 

*"Home sweet home" est une chanson anglaise dont le titre peut se traduire par "foyer mon doux foyer" ou " maison ma douce maison".

** pour une pieuvre, un poulpe, on peut utiliser à sa guise les mots de tentacules ou de bras.

 

 

 Le Colvert, Baudienville, avril 2019

© Stéphane Bertrand/02:2019.

 

 

 

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  • Les Contes du Colvert racontent de belles histoires aux enfants jeunes et moins jeunes que l'on peut leur lire le soir avant de s'endormir car: "Les canards comme les paroles s'envolent. Seul les contes du colvert résistent au temps."
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