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Les Contes du Colvert
7 mars 2017

L'OTAGE ROYAL

LES CONTES DU COLVERT

par Stéphane BERTRAND

NOUVELLE SERIE

 

 

N°10/NS

 

L'OTAGE ROYAL.

 

Bien à l'abri dans une crique accueillante d'une grande île inhabitée, le galion du capitaine Kirk de Fleury se reposait d'une longue traversée particulièrement rude quant aux tempêtes rencontrées ces derniers jours. Le vent avait soufflé avec violence  et les vagues, très hautes, balayaient du pont tout ce qui n'était pas arrimé. L'équipage, fort de cent vingt quatre hommes et de deux jeunes mousses, s'affairait à réparer les dégâts subis en s'aidant de nombreux pichets de rhum avalés cul-sec tout en trinquant à la santé du commandant. Kirk était, par "lettre de marque", corsaire du roi et avait donc le droit d'attaquer et prendre à l'abordage tout navire battant pavillon étranger ainsi que les frégates ou brigantins  hissant le drapeau noir à tête de mort blanche. Toute prise devait être ramenée à bon port et versée au trésor royal. Puis le roi récompensait généreusement ses corsaires accrédités.

"La Vaillante", le galion du corsaire Kirk, était un bateau de mille tonneaux entièrement construit en bois de chêne - sauf les mâts qui étaient en pin - gréé de voiles et huniers carrés et armé de quarante canons. Ces derniers étaient répartis en nombre égal à tribord et à bâbord sur le pont principal et un pont intermédiaire entre principal et, plus bas encore, la soute. En temps normal de navigation ils étaient cachés derrière des manteaux en bois amovibles et de la même épaisseur que la coque. Les boulets de fonte que tiraient ces canons sur le navire ennemi pesaient 24 livres et défonçaient la coque adverse avec facilité créant ainsi une voie d'eau faisant couler le tout, bateau, hommes et marchandises, rapidement. D'où il découle qu'il fallait une grande vélocité pour l'abordage et la prise du butin, souvent caché en fond de cale, avant que le navire adverse disparaisse englouti par l'océan et les marins croqués par les requins.

Quelques jours après cette immobilisation forcée par la casse causé par la tempête traversée récemment, les trois boucaniers que Kirk avait laissés comme guetteurs à l'entrée de la baie, revenaient avec leur chaloupe vers "La Vaillante" et une nouvelle très attendue. A l'horizon ils avaient vu un brick à deux mâts qui hissait le drapeau noir propre aux pirates et qui naviguait en leur direction.

Aussitôt de Fleury rassembla tous ses hommes sur le pont et leur tint ce langage: " Tous à vos postes. Canonniers chargez les tubes. Nous allons prendre la mer dès que possible. Les pirates arrivent et je pense que c'est le navire qui a abordé le clipper battant pavillon de notre  roi et vous savez tous qui est l'otage qui est à bord! Alors remontez les ancres et sus aux brigands!"

Une fois les ancres relevées, le galion se dirigea vers la sortie de la crique et toutes voiles dehors, porté par un vent favorable, prit la mer et se porta à la rencontre du bateau tant espéré.

Bientôt "La Vaillante" se trouva à portée de tir. Ses canonniers ouvrirent le feu  ne visant, suivant les instructions du commandant, que la coque  à ras de mer  pour deux raisons principales: retarder le naufrage pour permettre l'abordage et  sauvegarder le pont principal où se trouvait, enfermée dans la cabine du capitaine, l'otage qu'il fallait délivrer à tout prix, à savoir la fille du roi, leur princesse.

"Hardi les gars! A l'abordage! Pas de pitié pour ces flibustiers!" cria de Fleury à ses boucaniers en sautant sur le pont du navire ennemi pistolet d'une main et son sabre recourbé de l'autre. Ce fut une belle et bonne bataille! On tranchait quelques têtes par ici, on défonça des cages thoraciques par là, tout en se rapprochant du gaillard arrière où se trouvait la prisonnière. D'autres hommes de Kirk suivirent son second pour transborder les richesses saisies à bord, vaisselle chinoise, argenterie et coffres de bois remplis de bijoux et de pièces d'or. Une bonne prise pour le roi et pour eux, récupérée du vaisseau adverse qui avait écumé les mers depuis plus de deux ans, ne touchant terre que pour se ravitailler.

De Fleury, après un dernier corps à corps avec le capitaine des pirates, qui portait un bandeau noir sur l'œil gauche et se déplaçait avec une jambe en bois, souvenir d'un squale affamé, réussit à le sabrer sévèrement et à le jeter par dessus bord. Il se précipita ensuite dans la cabine et y découvrit sa princesse attachée à un pied du lit. Aussitôt il la délivra de ses cordes et, accompagné de sa garde rapprochée, mit la fille du roi en sécurité sur "La Vaillante".

Pendant ce temps la mer avait grossie et menaçait dangereusement le brik des pirates qui commençait à s'enfoncer tout doucement dans les eaux de l'océan. Un mât et une partie de la proue étaient en flammes. Elles seront vite éteintes en sombrant. Il était temps de rappeler ses hommes, ce que fit Kirk immédiatement. Le galion du roi s'éloigna du bateau qui coulait après avoir retiré tous les cordages à crochets nécessaires à l'abordage. Peu de blessés et seulement légèrement parmi les matelots de de Fleury et quatre pirates prisonniers qui furent mis aux fers dans la soute de "La Vaillante".

La victoire était belle! Les corsaires du roi avaient réussi un exploit en délivrant leur princesse. Le chemin de retour, sans autre mauvaise rencontre, avec vent arrière et des tonneaux de rhum mis à sec, fut vite couvert.

Au port, Kirk de Fleury et son équipage furent accueillis en héros par la population, comme à chacun de leurs retours. Mais tous, à terre, ignoraient le véritable trésor que "La Vaillante" rapportait cette fois- ci au roi. La princesse, cachée aux yeux de tous, monta très vite dans un beau carrosse tiré par 6 chevaux blancs. Le butin fut chargé sur divers chariots et, en avant, direction le palais royal.

Dans la grande salle d'audience du château toute la cour était réunie pour recevoir dignement les corsaires de retour d'une nouvelle campagne en mer très fructueuse. Le roi et la reine admiraient toutes ces richesses que  le capitaine du roi, commandant de "La Vaillante", leur rapportait sans se douter de la surprise qui les attendait.

Juste avant que leurs Altesses royales voulurent se retirer, Kirk de Fleury demanda l'autorisation de s'adresser au roi et à la reine.

"Comment pouvons nous vous refuser une telle requête! Parlez Capitaine" répondit le roi. "C'est parce que nous avons encore une surprise pour vos majestés" répondit Kirk et sur un signe de sa part on fit entrer la princesse. Le roi, la reine, n'en croyant pas leurs yeux furent tellement heureux et émus, que contrairement au protocole qui demandait de leur part une certaine réserve en présence de leurs sujets, ils se précipitèrent vers leur fille, soustraite à leur amour depuis plus de trois longues années, pour l'étreindre et l'embrasser tendrement. Ils avaient tant de questions à lui poser, tant d'amour en retard à partager. En silence la cour se retira pour ne pas troubler cette intimité familiale. Kirk et ses hommes voulurent faire de même mais la voix autoritaire du roi les cloua sur place: "Vous, vous restez! Monsieur  de Fleury, approchez! Je vous fais duc de Fleury avec le château et les terres qui vont avec en remerciements du service rendu à la couronne!" Le duc fraîchement nommé se retira non sans avoir exprimé à sa majesté ses remerciements les plus sincères et l'assurer qu'il resterait toujours loyalement à son service.

Pour les quelques jours encore qui restaient à Kirk et à ses hommes à terre, il les installa tous dans son château dans les caves duquel il ne leur fallut que peu de temps pour découvrir les tonneaux de vin et de rhum.

Une fois ceux ci vidés, "La Vaillante", sous commandement de Monsieur le Duc Kirk de Fleury, reprit la mer pour d'autres aventures du côté de  la mer des Caraïbes, les océans immenses et, très loin là-bas, en mer de Chine.

 

QUI A LE PIED MARIN,

SANS PEUR, MARCHERA AU BORD DU RAVIN.

 

 

Le Colvert, Baudienville, mars 2017.

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  • Les Contes du Colvert racontent de belles histoires aux enfants jeunes et moins jeunes que l'on peut leur lire le soir avant de s'endormir car: "Les canards comme les paroles s'envolent. Seul les contes du colvert résistent au temps."
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