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Les Contes du Colvert
19 février 2017

LE PARCOURS SANS FIN D'UNE GOUTTE DE PLUIE.

LES CONTES DU COLVERT

par Stéphane BERTRAND

NOUVELLE SERIE

 

 

N° 09/NS

 

LE PARCOURS SANS FIN

D'UNE GOUTTE DE PLUIE.

 

Moi, comme des milliers d'autres, je suis née d'un gros nuage, ventru et de gris vêtu, qui, après avoir été fécondé par les vapeurs d'eau au-dessus de l'océan, nous a dit que c'était le moment de naître et de quitter ce ventre doux et cotonneux. En effet, maman nuage, survolait maintenant des terres arides et jaunes et c'était là qu'elle nous a larguées.

En tombant, certaines de mes sœurs ne voulaient pas se séparer et sont restées ensemble pour former au sol, ici et là, de grosses flaques d'eau, parfois des mares. D'autres ayant trouvé un terrain en pente jouaient en bande les préludes à une destruction, dévalaient le dénivelé en trombe, sous forme de ru ou de ruisseau plus important, en attendant un obstacle à miner à ses bases.

Quelques-unes, aussitôt après avoir pénétré dans la terre ont été sirotées par des racines assoiffées pour en ressortir quelques jours plus tard sous forme de gouttes de rosée. Celles-là étaient les descendantes de mère nuage destinées au métier de top-modèle en se faisant immortaliser par un photographe se prélassant au soleil levant sur un pétale de fleur ou se prenaient pour les perles précieuses alignées sur les fils d'une toile d'araignée comme autour d'un cou de femme.  Flou artistique, façon Hamilton. Peu leur importait cette vie éphémère avant d'être à nouveau transformées en vapeur d'eau. Bienfaits et beauté, eau micellaire, quoi de plus?  Moi, j'ai coulé le long d'une vitre sans découvrir ce qu'il y avait de l'autre côté. Curiosité non satisfaite faute de buée. Alors en avant, à nouveau au départ d'une autre vie!

Ces vapeurs seront à nouveau aspirées par une mère nuage qui se dodelinera dans le ciel à vitesse de bise ou alors se précipitera vers un autre point de largage pour apporter à la nature et aux hommes un réel bienfait en encourageant les futures récoltes à pousser ou, tout en étant à leur origine, provoquer une catastrophe naturelle du type inondations ou orages violents.  L'orage tropical se transforme en typhon,  Combien de gouttelettes d'eau dans ces vagues gigantesques ? Météo parfois trompeuse.

Quant à moi, avec quelques copines, dès que nous avons touché terre nous nous sommes faufilées dans un petit trou, moi en tête.  J'ai creusé notre chemin entre cailloux et racines. On n'y voyait goutte! Nous avons coulé plus vite dans une galerie de taupe, puis nous avons dû  forer notre route. Enfin nous sommes arrivées au dessus d'un grand lac souterrain et nous avons plongé dans ces nappes phréatiques. Un peu de repos, après un chemin cahoteux, ne nous a pas fait de mal dans cette piscine éclairée seulement du reflet de l'eau, de nous, renvoyé par des stalactites en quartz blanc lessive.

Le séjour a été plus long que prévu parce qu'il avait beaucoup plu et que les hommes n'avaient pas besoin d'entamer leurs réserves. Mais l'été suivant nous avons été aspirées vers le haut, pompées, bousculées avant de retrouver une certaine sérénité dans de beaux tuyaux cuivrés. Un jour je suis sortie par un robinet, mélangée à d'autres amies, pour me retrouver dans un verre de limonade. Entre les bulles et le sirop de menthe nous avons organisé une petite fête, à danser et à chanter, dans un beau verre . Puis hop le noir de la bouche, puis l'œsophage pour atterrir finalement dans un estomac rempli d'un magma infâme, bouffé par des ulcères et à la sortie par une hernie hiatale. Berck! Nous sommes vite reparties plus bas mais là aussi, fini la fiesta. Mélangées  à d'autres corps durs et liquides nous avons finalement été séparées, la matière solide d'un côté et nous les liquides, vers une autre sortie. La nuit suivante fut longue et dérangée par des gargouillis bruyants et des gaz fuyants! Enfin de bonne heure le matin j'ai été évacuée en un jet dru dans le jardin. J'ai failli m'éclater en heurtant le gravier. Je me suis dépêchée de m'infiltrer dans la terre pas trop profondément attendant que tombent une multitude de copines-gouttes pour me laver de tout cet acide urique piquant qui me troublait la vue. Et si jamais je devais à nouveau me retrouver dans une mer souterraine  pourquoi le polluer?

En fait, une fois propre et limpide comme à mon origine j'ai été bue par un énorme dromadaire pour participer ainsi à sa réserve qu'il trimballe dans sa bosse sur son dos. Comme un sac du même nom!  Ca remuait pas mal les premiers jours et nous commencions toutes à maigrir sérieusement  au fur et à mesures que notre hôte marchait dans le désert. Aïe, quelle chaleur, on va finir par bouillir. Heureusement non! Mes amies et moi avons été évacuées par les voies naturelles de la bête, près d'un puits d'une belle palmeraie très verte.  Il nous fallait un nouveau chemin pour s'infiltrer profondément entre les grains de sable  avant d'arriver sur un amas de pierres pas trop serrées. Là, nous nous sommes reposées un peu  glissant doucement sur la face lisse des cailloux pour rejoindre une mare  brunâtre. Pas très ragoutante toutefois  et nos nouvelles copines, brunes de peau, semblaient être enfermées, depuis longtemps,  dans ce fond voilé sans lumière. Nous, les nouvelles arrivées, nous nous sommes groupées à la surface attendant des jours meilleurs.

Peu de temps après nous avons toutes été puisées par un berger au grand coeur pour ravitailler un vol de cigognes au bord de l'épuisement. Les pauvres bêtes venaient de loin et avaient encore un long voyage à faire avant leur retour dans les marais normands. Mes copines et moi avons été bues, d'abord aspirées, puis nous avons descendu en toboggan le long bec de la cigogne tête en l'air, avant de finir dans son estomac en lui procurant un grand bien.

Là, ma fois, nous y sommes restées le temps que notre transporteur migrateur arrive à sa destination finale. Et comme d'habitude l'évacuation s'est faite par un parcours naturel et en zigzags. Nous voilà à nouveau à nous purifier dans l'eau claire d'un petit ruisseau où nous formions à nous toutes, mes amies gouttes et moi, le milieu naturel de vie d'un tas de petites grenouilles vertes toutes mignonnes.

Avec l'arrivée de l'hiver, les marais encore chauds par rapport à l'air frais des vents, nous ont transformées en une brume épaisse flottante au dessus du vert de la végétation. Puis aspirées, nous nous sommes élevées pour rejoindre un nouveau gros nuage. Après il a fait de plus en plus froid et le soir de Noël, nous les gouttes d'eau  voyageuses, sommes revenues sur terre sous forme de merveilleux flocons de neige finement ciselés.

La prochaine fois qu'il neigera dans ton jardin, prends délicatement une poignée de neige blanche et pure dans ta main et peut-être la petite goutte d'eau qui te restera dans la paume, ce sera moi! Tu ne me verras que  peu de temps au creux de ta main avant que je  reprenne la route des airs. Avec un peu de chance et si les vents me sont favorables, peut-être nous nous reverrons l'année prochaine! Qui sait?  Comment? Peut-être dans ta bouteille d'eau favorite! Ou plus rigolo, je serais la goutte coquine et froide qui tombera d'une branche directement dans ton cou!

 

SANS EAU PAS DE VIE,

L'EAU C'EST LA VIE,

ET LA NATURE RIT!

 

 

 Le Colvert, Baudienville, février 2017.

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  • Les Contes du Colvert racontent de belles histoires aux enfants jeunes et moins jeunes que l'on peut leur lire le soir avant de s'endormir car: "Les canards comme les paroles s'envolent. Seul les contes du colvert résistent au temps."
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