Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Contes du Colvert
17 novembre 2019

LE GRAND PHARAON.

 

                       

LES LEGENDES DU COLVERT

 

 

Par Stéphane BERTRAND

 

 

Les légendes du Colvert défient le temps.

Ecoute! Elles nous arrivent avec le vent.

 

 

 

 

 

N° 04L

 

 

LE GRAND PHARAON.

 

 

Le magnifique palais, aux stucs finement ciselés dans toutes les salles richement décorées, rehaussées d'un grand nombre de pierres précieuses, occupait le sommet arasé d'une vaste colline verdoyante. Il avait été construit par l'arrière-arrière grand'père de l'actuel pharaon qui régnait, comme ses prédécesseurs,  avec bonté et sagesse sur son peuple bien-aimé.

 

Un jour, il y a fort longtemps déjà, après une journée harassante en palabres avec le Grand Prêtre du temple royal qui réclamait une fois encore plus de moyens, après avoir rendu justice à plusieurs plaignants à la satisfaction de ces derniers  et passé en revue sa garde personnelle qu'il avait dotée de nouveaux chars de combat, Pharaon se délassait un peu sous son acacia préféré dans les jardins privés de ses appartements. Un léger vent de nord rafraîchissait à son habitude ce coin abritant ses réflexions et pensées secrètes. Son cobra royal, enroulé sur lui-même,  reposait près de lui sur des coussins en soie de Chine. Les deux jeunes servantes, qui étaient à son service direct, s'étaient inclinées très bas à son arrivée, avaient parsemé son chemin jusqu'au divan, aux coussins brodés d'or, de pétales de roses. Puis elles avaient apporté, à leur maître et dieu, un verre de vin blanc frais et déposé sur la petite table, en ébène incrustée de coquillages irisés, une assiette de dattes fourrées. Après avoir retiré des divins pieds du "Soleil sur Terre" ses sandalettes dorées aux lacets remontant jusqu'aux mollets royaux, elles s'étaient éloignées  pour ne pas troubler la méditation de leur roi. Sa majesté avait tant de choses à penser pour diriger son immense pays!

 

Sekhêt II°,  tel était son nom, s'installa confortablement, se rafraîchit bouche et gosier royaux puis, pour faire passer le goût légèrement acidulé du  vin, saisit une datte sur le plat en argent finement martelé présenté à son bon vouloir. A peine le fruit avalé, il ressentit d'insupportables douleurs stomacales, fut saisi de vomissements, de convulsions et dans un grand râle d'agonisant s'écroula au sol sans vie. Les servantes arrivèrent en courant et, voyant leur souverain par terre, commencèrent à se jeter à ses côtés, s'arrachant les cheveux et entamèrent les chants devant accompagner son esprit dans son dernier voyage. Naou, le scribe-médecin particulier de pharaon, ne put que constater le décès de ce dernier. Le Commandant de la garde personnelle du roi fit arrêter les deux servantes et les cuisiniers présents dans les ateliers réservés aux douceurs, écouta à peine leurs témoignages avant de les enfermer, à coups de fouet, dans les sous-sols du palais. Tous les ministres, les nobles de la cour de pharaon, scribes et autres, furent réunis sur le champ. Ils décidèrent de décréter deux mois de deuil national à travers le pays, ordonnèrent que dès la fin de l'enquête qui sera menée, les débuts de l'embaumement de la dépouille royale pouvaient commencer.  Une inspection immédiate de sa demeure d'éternité sera faite pour hâter la fin des travaux de sa décoration. Les gouverneurs des provinces lointaines, celles du nord près de la mer et celles des régions désertiques du sud, seraient priés de gagner la capitale au plus vite.

 

Naou, désigna un haut fonctionnaire de la police royale pour commencer  sans tarder à rechercher la ou les causes de la mort de pharaon, le frère des dieux sur terre. Celui-ci commença par écouter le récit des deux servantes et pâtissiers et, par précaution, les remit vite là d'où il les avait sortis pour un court instant. Le jardin privé du défunt roi fut fouillé sans rien découvrir de particulier et sans déranger le moins du monde le cobra royal. On donna à manger les dattes restantes à des esclaves nubiens qui tous, le fruit une fois mâché  et avalé, moururent immédiatement dans d'effroyables souffrances comme le fit leur pharaon tant aimé. Les médecins firent des prélèvements sur les corps des esclaves pour tenter d'isoler tout ce qui était étranger sur et dans les viscères des cadavres. Dur et long travail. Des caravanes militaires sillonnèrent routes et campagnes pour intercepter les personnes ayant précipitamment quitté la ville. Sauf alibi aussi solide qu'une pyramide, les suspects furent immédiatement passés par les armes.

 

Le peuple était en émoi et nombre d'eux, en signe de souffrance, s'automutilaient avec un fouet à la lanière cloutée. Alors débutait un long deuil  qui criait vengeance. C'est dans cette ambiance qu'un des scribes compara une datte prélevée dans l'estomac d'un des nubiens morts aux contenus d'autres flacons de poison soigneusement étiquetés et conservés en ce laboratoire royal privé afin de donner très vite satisfaction au pharaon quand ce dernier avait besoin d'éliminer un homme gênant, en toute discrétion et pour raison d'état! Le scribe-médecin demanda qu'on lui amène tous les condamnés croupissant dans les prisons royales. Avec ses assistants et élèves il leur fit avaler une précieuse goutte de ses différents flacons et compara de suite la couleur et la consistance des sucs gastriques, des intestins et des selles. Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver une similitude parmi ces nouvelles victimes de la science et la plupart des esclaves envoyés dans un meilleur monde et l'un des flacons. Le sang de la nouvelle victime bouillonnait encore en faisant des bulles, changea de couleur pour noircir rapidement et les liquides de son appareil digestif qui s'en étaient échappés pour s'écouler sur la table en bois servant de brancard pour l'autopsie, commencèrent à attaquer celle-ci tel un acide. Tout concordait avec l'aspect des intestins royaux.

 

Après une réunion de l'ensemble des médecins, scribes, responsables de la sécurité, dont le chef de police qui avait déjà fait décapiter un certain nombre de suspects après la mort de pharaon, et après avoir comparé les résultats de leurs analyses, les recherches vaines des patrouilles militaires dans le désert, le profil du responsable se dessinait clairement dans l'esprit de tous. Compte-tenu de la situation il était maintenant urgent d'en informer la reine et les concubines du harem royal car, sans l'aval de la veuve de Sekhêt II°, on ne pouvait rien faire, n'entreprendre aucune action contre le suspect du régicide. En effet, il était sacré aux yeux de tous! Intouchable! Et quelle peine éventuelle lui infliger dans ce cas-là? Les réponses à ces questions, seule la pharaonne les connaissait et elles devaient jaillir d'entre les lèvres royales devant toute la cour rassemblée en tribunal.

 

Les princes, les dignitaires et ministres, les scribes royaux, tous les assistants à cette réunion, étaient vêtus de blanc et restèrent silencieux. Aucun murmure ni bruit n'étaient de mise en pareille circonstance. Enfin l'épouse royale apparut entourée de ses enfants, dont le prince héritier, et de  ses femmes de compagnie. Elle aussi portait une longue robe blanche et une parure de Lapis Lazuli  bleue sombre en l'honneur d'Osiris, le dieu qui devait accompagner Pharaon au départ de son long voyage d'éternité. Elle gagna son trône devant une assemblée courbée, admirative de la voir si belle malgré l'immense chagrin qui était le sien. "Que justice soit faite! Même sacré, le coupable doit être puni pour l'horrible acte commis. Comme les dieux nous interdisent de le mettre à mort, qu'il quitte immédiatement le palais royal et qu'il erre dans le désert éternellement sans nourriture ni eau. Telle est mon désir, mon ordre, à exécuter sur l'heure!"

 

Quand la garde royale pénétra dans les jardins privés de pharaon le cobra royal se dressa en déployant sa coiffe et siffla aux arrivants : "Eh bien, vous en avez mis du temps à découvrir mon secret bande d'incapables. Je m'incline et accepte la sentence de la reine et m'en irai tout seul regagner mon habitat naturel. Mais attention, si celui qui va me succéder sera aussi écarté, par oubli ou négligence, de la grande cérémonie annuelle du solstice d'été en l'honneur d'Amon-Rê, notre soleil, comme je le fus et à laquelle  tout cobra royal est automatiquement convié, voyez ce qui peut arriver quand les volontés des dieux ne sont point respectées. Ecartez vous et laissez moi passer." Et avec une coupable dignité il quitta la demeure royale, ondula jusqu'au  fleuve "mère", le traversa sans craindre les crocodiles et se perdit dans les immensités du désert. Le voyage d'éternité de Sekhêt II° pouvait commencer, une fois le coupable découvert et puni.

                                                          

 

 

SI TU ES ROI ET VEUX LE RESTER,

SURVEILLE TES AMIS, A TES ENNEMIS TU SAIS RESISTER.

 

 

 

Le Colvert, Baudienville, Décembre 2018.

© Stéphane Bertrand/mai 2019.

Publicité
Publicité
Commentaires
Les Contes du Colvert
  • Les Contes du Colvert racontent de belles histoires aux enfants jeunes et moins jeunes que l'on peut leur lire le soir avant de s'endormir car: "Les canards comme les paroles s'envolent. Seul les contes du colvert résistent au temps."
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité