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Les Contes du Colvert
17 avril 2020

L'ÎLE.

LES LEGENDES DU COLVERT

 

 

Par Stéphane BERTRAND

 

 

Les légendes du Colvert défient le temps.

Ecoute! Elles nous arrivent avec le vent.

 

 

 

 

N° 09L

 

 

L'ÎLE.

 

 

Il était une fois, il y a bien longtemps, une île perdue au milieu d'un immense océan, entourée de vagues si hautes et si puissantes que nulle barque, nul navire n'avait jamais pu l'aborder et encore moins mettre une chaloupe à l'eau afin que ses passagers puissent mettre pied à terre. L'île était sauvage, aride et la roche toute noire. En son milieu trônait un immense volcan que les rares habitants de cette île croyaient éteint, endormi depuis des siècles. Il avait été dans son passé, tantôt effusif, parfois explosif, méritant bien son repos actuel. Ils avaient donc construit leurs huttes avec le peu de bois disponible n'importe où et à fortiori à flanc de montagne, hors de portée des grosses vagues submersives. Il se produisait bien de temps en temps quelques secousses souterraines, quelque fumée s'échappait de la cheminée au sommet du volcan mais personne n'y prenait plus garde. Cette insouciance, ils allaient la payer cher, très cher.

 

En effet, ces pauvres indigènes de l'île qui n'avaient jamais mis un seul pied ailleurs, ne savaient pas que le volcan était habité et était une annexe de l'immense forge de Vulcain.  Cet atelier souterrain  fabriquait des gaz nocifs et des tonnes de lave incandescente pour alimenter tous les volcans de la terre. L'acheminement de toutes ces marchandises se faisait par des souterrains aboutissant à la chambre magmatique centrale de la terre - siège social des entreprises Vulcain - et étaient ensuite réparties en fonction des nécessités  de chaque volcan, lorsque celui-ci éprouvait le besoin de tousser, de cracher. Crachats de feu, de pierres et de quartiers de péridotite, laissant couler aux coins de ses "lèvres" cette bouillie brûlante rouge, le dentifrice préféré des sorcières!

 

Sur notre île, plus précisément sous elle, la responsable de la productivité était Volcania, l'épouse du patron. Une affaire de famille en quelque sorte! Elle parcourait les divers services de son entreprise nuit et jour sans jamais dormir, vêtue d'une longue robe couleur charbon incandescent semant sur ses pas des escarbilles clignotantes. Aucun fakir, même le plus expérimenté, n'aurait osé  poser le pied sur ce sol qu'elle foulait. Signe de sa haute distinction, elle portait autour de sa tête une couronne de feux-follets. Danse illuminée et joyeuse aux reflets d'or et de sang. Prélude au ballet final!

 

Au cours de certaines après-midi Volcania se déguisait en galettes de lave, s'élançait du haut de sa montagne, roulait jusqu'en bas et se retrouvait en vieille femme habillée de hardes malodorantes. Elle déambulait avec un grand bâton à la main et chaque fois qu'elle croisait quelqu'un  murmurait qu'elle avait froid. Enfin un homme lui prêta attention et il s'en suivit une bonne discussion lors de laquelle Volcania expliqua à son interlocuteur qu'il suffisait de creuser un peu la terre pour avoir chaud. Puis elle s'anima pour raconter tout ce que l'on pourrait faire sur un trou dont s'échapperait  la chaleur de la terre : se chauffer comme autour d'un foyer, cuire la nourriture au lieu de manger les poissons crus et en précipitant un peu d'eau dans le trou, elle ressortirait en geyser pour une douche bienfaisante. Pris de pitié pour les divagations de cette vieille, l'homme alla quérir une pelle et une pioche et se mit à creuser. A une profondeur d'un mètre environ, de la fumée commençait à s'échapper du trou et la terre et les pierres, qu'il retirait à force de perforer la croute terrestre, devenaient de plus en plus chauds, voire brûlants.

 

L'homme regardait maintenant cette vieille femme avec un autre œil ! Dans sa tête il remuait un tas d'idées et se promit d'exploiter le filon...Un petit muret autour du trou et la table de cuisson serait prête, etc...Entre donner ou vendre l'information, le choix était vite fait et c'est ainsi qu'il était devenu l'homme le plus riche de l'île. Les trous à chaleur se multipliaient tout autour du volcan, par ici recouverts d'une toile de tente avec une ouverture au sommet pour évacuer fumées et odeurs, par là simplement isolés pour plus d'intimité. Cet homme, que Volcania avait rencontré, lui déplut de plus en plus et sa cupidité méritait punition. Et son plan de multiplier les cheminées d'évacuation avait réussi.

 

La directrice de la forge souterraine réfléchit longuement pour mettre au point le châtiment qu'elle lui destinait. Les victimes collatérales inévitables suite à son action future ne la tracassaient point puisque dans son esprit tous les hommes étaient pareils, donc aussi cupides les uns que les autres. Les trous de confort qu'ils avaient  creusés, tels un tuyau vertical naturel pouvaient tout naturellement véhiculer la chaleur mais aussi autre chose! De la braise...des gaz...des nuages de cendres... de la lave à plus de mille degrés! Merveilleux, Volcania tenait son projet. Ne restait plus qu'à pousser ses chaudières au maximum, à blanc.

 

Parallèlement en surface, les habitants ayant maintenant tous leur grille-viande à domicile, préparaient une grande fête lors de laquelle ne seraient  uniquement servis que des plats chauds. Il y a si longtemps qu'ils mangeaient froid! Le temps de pêcher et de trouver un peu de viande, ils festoieraient  à la prochaine pleine lune.

 

Dans quelques minutes  la lune sera à son zénith et aura atteint, cette nuit-là, le point le plus éloigné de la terre en sa rotation. A la surface de l'île les gens avaient bien mangé et surtout bien bu un alcool très fort préparé avec des figues de barbarie macérées. Ils avaient bien dansé, les voisins fâchés étaient redevenus amis, les plus jeunes s'étaient discrètement éloignés vers des endroits plus discrets et les enfants dormaient par terre. Seul l'homme devenu riche  qui voulait tout régenter, paradait entre la population, imbu de lui même et récoltait les remerciements pour "son" idée!

 

Au même moment et à une centaine de mètres sous terre les chaudières allaient exploser tant la chaleur produite était élevée. Tout était prêt. Les réserves de lave incandescente acheminées au pied de chaque trou creusé par les hommes, les gaz nocifs en leurs bonbonnes n'attendaient plus que le signal du départ. Du départ de la vengeance de Volcania et de tous les très nombreux diables et sorcières à son service. "Feu" s'écria-t-elle et c'était effectivement le feu sous toutes ses formes qui s'est abattu, surgissant de terre, sur la population de l'île. Geysers de gaz mortels, lave brûlante  en longues trainées, rochers et pierres très chauds, faisaient surface et rayaient de la carte des vivants tous ceux de l'île: arbres et fleurs, animaux et humains!

 

Après s'être refugiée dans un boyau de transport de lave, loin du lieu de son méfait, Volcania appuya sur son signal "Tonnerre" qui frappa immédiatement l'île, la fit exploser provocant une éruption formidable, ressentie aux quatre coins du monde à une force dépassant largement les neuf et demi de la fameuse échelle de Monsieur Richter. Elle rejoignit sans tarder son époux dans la chambre magmatique au centre de la terre, très satisfaite de son travail de destruction!

 

°°°°°°

 

Si vous survolez aujourd'hui cet océan, à l'endroit où se situait l'île de notre légende, vous y verrez à sa place un merveilleux atoll à l'eau limpide couleur aigue-marine et chaude.  Sur son encerclement de terre visible à la surface poussent nombre de palmiers. Si, pendant votre survol, vous avez le temps de les compter, vous saurez combien de victimes le volcan a fait, de par son éruption, il y a  plusieurs milliers d'années!

 

 

ÎLE PERDUE, PALMIERS ET PARADIS

NE SONT PAS TOUJOURS REUNIS!

 

 

 

 

Le Colvert, Baudienville, mars 2019.

© Stéphane Bertrand/mai 2019.

 

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