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Les Contes du Colvert
7 octobre 2015

JE M'HABILLE AUX COULEURS DE L'ETE INDIEN.

JE M'HABILLE AUX COULEURS DE L'ETE INDIEN.

 

 

Bonjour. Je suis un arbre. Je suis un grand érable, un érable commun. Pourquoi les bûcherons nous appellent ils ainsi? Parce que nous sommes tous semblables dans cette immense forêt que nous formons? Ou pour nous différencier de nos cousins les érables noirs que l'on saigne à vif chaque début de printemps pour récolter leur sève qu'on appelle le sirop d'érable? Nous sommes, heureusement pour les hommes, et quelque soit le nom que l'on nous a donné, des arbres silencieux. Sinon... des forêts hurlantes de douleur! Un gamin qui arrache une branche en passant est une blessure qu'il nous inflige. Il suffit, pour cela, d'imaginer la déforestation en Amazonie! Un grand cri silencieux!

Quoi qu'il en soit, des hommes sont passés entre nous hier. "Un sur deux" ont-ils dit. Puis ils ont fait une croix rouge sur mon gros tronc et pas sur celui de mon voisin. La nuit, le vent aidant, nous avons murmuré notre inquiétude. Qui de nous sera abattu et  quels seront ceux qui vivront encore des années, la cime tournée vers le soleil, tout en haut de nos 35 mètres? Les marqués ou les autres?

J'ai comme un pressentiment que c'est moi. Ce sera fini! Terminé pour moi après plus de trente cinq ans de vie à changer la couleur de mes feuilles à chaque saison. Vertes au printemps et en été, le soleil aidant, elles seront d'un pourpre chaud  en automne. Puis, au fur et à mesure que la température baisse, de rouges mes feuilles à cinq pointes prendront  des nuances de mauve, s'éclairciront, pour finir juste avant  l'arrivée de l'hiver, en un jaune éclatant. Quelle garde-robe qui, dans quelques jours, s'envolera au vent du nord !

L'entaille à la hache en bas de mon tronc, puis les mouvements lancinants des scies, m'ont fait souffrir jusqu'à la suppression totale de tout lien avec mes racines profondément ancrées dans la terre qui m'a vu naître. Heureusement que les oiseaux qui nichaient dans mes branches ont pu s'enfuir à temps...

Bonjour. Je suis aussi un érable. Je suis le voisin survivant de celui qui a commencé cette histoire.  Hier, quand il est tombé en un fracas assourdissant et après que les bûcherons se soient retirés de la forêt, je l'ai recouvert, avec l'aide de la bise nocturne, de mes feuilles, pour lui faire un linceul au dessus de son tronc. Celui-ci, une fois les branches coupées, sera débité en planches pour faire des meubles ou des couverts de cuisine ou à salade. Objets, en bois d'érable, très recherchés par les hommes. Alors il ne souffrira plus.  Il  aura eu une belle vie dans un paysage grandiose et sera enfin utile à ce pourquoi les hommes l'ont laissé pousser si longtemps.

Mais, attendez encore un instant. Avant de refermer ce conte  je souhaiterais ajouter ceci : Un jour un homme s'est assis à mon pied et a pris, avec son dos, appui sur mon tronc. Il a sorti un livre pour lire en toute quiétude dans le silence de la forêt. Ce livre avait été écrit par un très grand écrivain russe qui se nommait Tolstoï. Et j'ai pu entre-apercevoir, entre mes feuilles carmin, la phrase suivante :" La compassion, c'est toujours ce que l'on doit ressentir, que ce soit pour un humain souffrant, un animal que l'on tue ou pour un arbre que l'on abat."

 

 

 

 

 

 

Cabane à sucre "Maple Joe", Laurentides, Québec.

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M
Cool
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  • Les Contes du Colvert racontent de belles histoires aux enfants jeunes et moins jeunes que l'on peut leur lire le soir avant de s'endormir car: "Les canards comme les paroles s'envolent. Seul les contes du colvert résistent au temps."
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