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Les Contes du Colvert
7 septembre 2018

LE JEUNE PRINCE.

LES CONTES DU COLVERT

par Stéphane BERTRAND

NOUVELLE SERIE

 

N°30NS

 

LE JEUNE PRINCE.

 

Une fois, en des temps fort reculés, il y avait un royaume tout petit mais très riche.  Dans les coffres du donjon dormaient des quantités incalculables de lingots et de pièces d'or et d'argent d'un métal des plus purs, des fûts emplis de tonnes de pierres précieuses de toutes les couleurs, diamants les plus rares, rubis, émeraudes d'un vert profond, topazes et saphirs et tant d'autres, ainsi que des perles des plus pures. Le château et les grands villages que comptait ce royaume étaient entourés de montagnes et de forêts infranchissables et pourtant la rumeur de ses richesses avait franchi tous ces obstacles naturels lui servant de frontières.

L'accès au royaume se faisait par une seule route peu entretenue, offrant des nids de poule à chaque mètre aux roues des carrosses qui s'y aventuraient. Puis il fallait passer un col en altitude. Là se trouvait l'unique bureau des douanes et de la gendarmerie royale. Les visiteurs étaient interrogés longuement sur la raison de leur venue et au moindre signe de curiosité ou d'avidité concernant le trésor royal, ils étaient priés, poliment mais fermement, de faire demi-tour.

Aussi après un long voyage, souvent terminé à pied ou en chaise à porteurs, les rares personnes admises étaient logées dans le seul hôtel de la capitale, hébergées et nourries gracieusement. Le service à table était fait par de jeunes et jolies apprenties fées aux ailes transparentes  et la cuisine tenue par un vieux diable retraité et ses commis diablotins qui avaient toujours froid. Il faut dire qu'aucune monnaie ne circulait dans ce royaume, que tout était gratuit et que le mot "impôt"  était inconnu. Le roi et la reine, très prévoyants et généreux pour leurs sujets, s'occupaient de tout.

 A l'interieur du royaume cela représentait un travail considérable pour le personnel de la demeure royale et à l'extérieur les envies et jalousies grandissaient régulièrement. Les rares individus qui avaient tenté de s'introduire clandestinement dans le royaume en franchissant les montagnes, disparaissaient comme par enchantement dans la forêt. Ces bois, étaient peuplés de monstres, mi-hommes mi-loups garous, peu nourris afin de les rendre plus féroces encore envers les étrangers clandestins. Ce n'est pas une poignée de framboises ou de myrtilles qui les aurait rassasiés! Seuls les habitants du royaume pouvaient cueillir ces fruits délicieux en toute sécurité.

Au dernier étage de la "Tour Haute", qui dépassait allègrement le donjon du château et qui était surmontée d'une girouette en forme de sarcelle, vivait l'unique enfant royal, le jeune prince. Il avait à sa disposition de nombreux serviteurs et un appartement très vaste, admirablement meublé et décoré. Il élevait, en cachette de ses parents qui étaient trop occupés pour monter là- haut, un tas d'animaux étranges, un petit chien à tête de dragon, des chatons à six pattes, deux cobras à écailles d'or, un fennec aux longs poils ocres, son préféré qui dormait avec lui, ainsi que de nombreux oiseaux au plumage chatoyant qui s'envolaient le matin et rentraient le soir pour dormir. Il y avait aussi un couple de colverts qui avait appris au jeune prince à cancaner dans leur language.

Le jeune prince passait aussi beaucoup de temps à lire ou à regarder par sa fenêtre. Il rêvait de voyages, de découvertes, de pays lointains, du moins à ceux de l'autre côté de la forêt et des montagnes. Il suivait de ses yeux envieux les vols d'oiseaux migrateurs et les trouvait très chanceux.

Un jour  passa dans la ligne de son regard un peu mélancolique, à la hauteur de la fenêtre, un gigantesque canard du Labrador que l'on appelait aussi "canard émeraude". Le prince ne put s'empêcher de siffler d'admiration et lui faire de nombreux signes de la main. Ce canard assurait depuis peu des voyages aériens, à la demande, pour satisfaire les envies de dépaysement des gens qui voulaient découvrir d'autres horizons tout comme le jeune prince. Croyant qu'on le hélait , le grand canard rebroussa chemin et se mit en vol stationnaire près de la fenêtre où se tenait le jeune prince. Celui-ci, surpris et sans réfléchir plus avant, voyant une place libre sur le dos du transporteur sauta par la fenêtre pour rejoindre les autres voyageurs. Il y avait là plusieurs personnes profitant de leurs congés pour découvrir gratuitement des destinations dites exotiques. Deux diablotins et un elfe de l'hôtel qui étaient mis en chômage technique faute de clients, le garagiste, qui avait dans ses bagages, trois roues faussées à réparer comme devoir de vacances, le croque-mort avec un cercueil à sa taille en cas d'accident et quelques autres personnes. Le jeune prince se renseigna sur le vol et sortit de sa poche une pépite d'or pour récompenser le transporteur. Le canard vert avala son royal pourboire tout en se disant qu'il allait devoir surveiller son transit pour le récupérer!

" Cela me va! Allons n'importe où pour regarder autre chose que ces forêts et montagnes, magnifiques certes, mais qui nous bouchent la vue!" dit le prince se couvrant de quelques chaudes plumes pour passer la cime des sommets. Cet obstacle franchi, le vol de la compagnie "Emeraude Holidays" redescendit ensuite, se stabilisant à une altitude où l'air était plus doux. Que c'est beau pensa le jeune prince en regardant les vallées, rivières et villages, qu'il survolait. Le style des bâtiments changea tout au long du voyage passant de temples aux pagodes, de cabanes en bois aux palais en marbre rose, de maisons sur terre ou sur pilotis. La mer! Personne n'avait encore vu ce spectacle. Les gens que le jeune prince apercevait au sol changeaient aussi de couleurs, ici des visages jaunes riants, là des faces noires souvent en pleurs. Parmi tous ces êtres vivants il y avait certes des femmes et des hommes comme lui mais aussi des plaines couvertes de troupeaux de bisons, des hordes d'éléphants poilus, des dragons cracheurs de feu qui incendiaient tout sur leur passage et dans les mers survolées, des poissons minuscules en bancs et d'autres énormes à tête ronde au bout d'un long cou sans fin qui happaient les mouettes au vol. Des bateaux  de toutes tailles, à grandes voiles ou avec de gros tuyaux noirs fumants.

"Que le monde est beau!" s'écria le prince. Regardez tous ces enfants qui se bataillent, ces véhicules bizarres avec une bouche à feu lançant de gros bonbons dorés et..." Il fut interrompu par une annonce du transporteur demandant aux passagers de bien se cramponner car il allait reprendre de l'altitude pour échapper aux tirs des canons d'en dessous. La guerre, pourquoi? Encore une chose inconnue en son royaume.

Quelque temps après, le canard émeraude indiqua aux voyageurs qu'il allait faire une escale. Une fois posé, les passagers avaient quartier libre pour faire quelques achats de souvenirs. " Achat ? C'est quoi au juste?" pensèrent-ils tous. Quand les commerçants de tissus multicolores, de masques de sorciers, de petits singes tristes en cage ou de colliers de fausses perles leur couraient après parce que la notion de payer n'existait pas dans leur pays, les passagers du canard vert se réunirent autour du jeune prince que certains avaient reconnu. "Je m'en occupe" dit-il, j'ai lu quelque part que cette coutume existait sur cette terre et je vais récompenser cette meute hurlante et gesticulante. Dés que les vendeurs aperçurent les petites pépites d'or dans la main du prince, ils s'agenouillèrent devant lui tendant des mains tremblantes, avides et fébriles.

Et le voyage, "découverte d'un autre monde," se poursuivit pendant encore une semaine. Survols d'endroits calmes où la population dépliait des banderoles "Bienvenue", endroit idéal pour une escale au bord d'une mer turquoise et repas sous les palmiers. Plus loin des aéronefs belliqueux prirent le canard émeraude en chasse tirant des rafales de mitrailleuses intimidantes parce qu'il avait, par erreur, pénétré dans un espace aérien interdit. Ils survolèrent ainsi des pays amicaux et ennemis, ces derniers en haute altitude pour éviter de prendre du plomb dans l'aile.

Le transporteur, une fois rentré à bon port, s'arrêta en vol stationnaire devant la fenêtre du prince pour lui permettre de débarquer et regagner son appartement. " Tiens, encore une pépite bien méritée et surveille tes crottes..." dit le prince en riant, tout en enjambant son appui de fenêtre. Curieusement personne parmi ses domestiques ne s'était aperçu de son absence. Les horloges du palais affichaient toutes seize heures trente alors que c'était à cette heure précise que le jeune prince avait embarqué sur le canard vert mais...trois semaines plus tôt! Pendant son absence le temps s'était arrêté dans son royaume. Les lutins, chargés de l'horloge centrale de laquelle dépendaient toutes les autres du pays ainsi que les réveils et les montres de la population, avaient tourné les aiguilles à l'envers  chaque jour, à minuit, pendant  l'absence du jeune prince. Personne, ni ses parents, la reine et le roi, aucun de leurs sujets, ne s'était aperçu de ce tour de magie. Cependant, ce jour là, à l'heure du gouter, un observateur avisé aurait remarqué que les enfants réclamaient et mangeaient beaucoup plus que les autres jours et que chez les adultes les gargouillements d'estomacs, signe de faim, étaient plus nombreux et se produisaient plus tôt et se faisaient beaucoup plus bruyants qu'à l'accoutumée. Et le jeune prince, lui, n'attendait que la prochaine occasion pour s'échapper à nouveau!

 

 

  

 

UNE ESCAPADE EN TERRE INCONNUE ?

AVEC TOUS LES DANGERS ENCOURUS!

MEME LES REMORDS DU COUPABLE

 NE GOMMERONT CETTE FAUTE PUNISSABLE.

 

 

 

 

Le Colvert, Baudienville, septembre 2018.

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  • Les Contes du Colvert racontent de belles histoires aux enfants jeunes et moins jeunes que l'on peut leur lire le soir avant de s'endormir car: "Les canards comme les paroles s'envolent. Seul les contes du colvert résistent au temps."
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