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Les Contes du Colvert
28 janvier 2021

LE BON PRINCE ET LA VILAINE PRINCESSE.

LES LEGENDES DU COLVERT

 

 

Par Stéphane BERTRAND

 

 

Les légendes du Colvert défient le temps.

Ecoute! Elles nous arrivent avec le vent.

 

 

 

 

N° L 18

 

 

LE BON PRINCE ET LA VILAINE PRINCESSE.

 

Il était une fois, il y a très longtemps, dans un continent lointain, un royaume dont le roi, vieillissant, avait transmis tous ses pouvoirs à son fils unique, le prince Vasisdass. La sœur aînée du prince, la princesse Sadakô, avait très mal pris la chose voyant son droit d'aînesse ainsi bafoué bien qu'aucune femme n'ait jamais régné ni sur le royaume ni dans les autres à travers le grand monde. Mais cela ne l'empêchait pas d'être très jalouse de son petit frère, elle que les serviteurs du château avaient surnommée, en cachette, la diablesse ou l'intrigante.

 

Une des premières décisions  que prit le jeune prince fut de fermer la prison, supprimer toutes les salles de torture enfouies dans les entrailles du château et de mettre bourreaux et mâtons au chômage non sans une confortable rente. Vasisdass supprima par la même occasion le gibet où étaient pendus "jusqu'à ce que mort s'en suive" tous les assassins, voleurs et violeurs et autres mauvais garçons ou filles. Il souhaitait n'avoir que des sujets honnêtes et travailleurs et si malgré sa grande clémence l'un d'entre eux devait faire un faux pas, il serait immédiatement embarqué sur le premier bateau en partance pour l'Orient où il serait vendu sur le marché aux esclaves.

 

Le prince avait bien entendu gardé la gendarmerie du royaume et la garde royale en cas d'agression extérieure.

 

Pendant ce temps là, Sadakô ruminait en silence ses projets de vengeance, mettait au point un plan d'action, y ajoutait tant de choses à faire, à ne pas oublier, que son cerveau finissait par tout mélanger. Conclusion, le lendemain il fallait recommencer et le surlendemain aussi! Ce qui laissait à son frère le temps d'organiser son règne à sa façon bien qu'il fut attentif à tout ce que sa sœur faisait, pour immédiatement la rappeler à l'ordre si besoin était.

 

Le peuple fut content des mesures prises par le prince Vasisdass et le portait en grande estime. Il avait allégé les impôts et les taxes. Il avait supprimé beaucoup d'interdictions et donné plus de liberté au peuple y ajoutant quelques jours de congés payés par an. Mais derrière son dos Sadakô veillait ! Car en cas de disparition de son frère c'est elle, et elle seule, qui serait nommée régnante. Elle avait, à grands coups de pots de vin, pourri, un peu plus, le propriétaire d'un vieil estaminet, faisant de lui  l'exécuteur de ses œuvres. La taverne de ce dernier se situait dans le quartier le plus mal fréquenté de la ville et ses clients, à de rares exceptions près, étaient tous des voyous n'ayant pas froid aux yeux. Suriner un quidam entre ses côtes ou au bas ventre n'était pour eux que tâche ordinaire!

 

Après plusieurs tentatives d'attentats infructueuses sur sa personne, le prince Vasisdass dut doubler sa garde personnelle lors de ses déplacements et même la nuit, sa chambre dut être gardée. A chaque sortie du prince le bruit des bombes artisanales résonnait en ville jusqu'au jour où ses gardes mirent la main sur le poseur des engins explosifs au moment où celui-ci en allumait la mèche. L'aubergiste avoua de suite et révéla le nom de son commanditaire. Cette information, malgré ses doutes, mit le prince mal à l'aise car attenter à la vie du régnant était obligatoirement puni de mort.

 

Mais comment se venger d'elle discrètement? Coup de dague dans les reins par un serviteur zélé, une chute dans les douves infestées de crocodiles, poison dans son verre de vin? Après mûre réflexion, Vasisdass, partit dans les combles du château à la recherche d'un cadeau qu'il avait reçu  d'un prince oriental au moment d'accéder au trône de son royaume. Un tapis volant. Sans faire appel à ses serviteurs ni à ceux au service de la princesse, il se glissa furtivement dans sa chambre et étendit son tapis bien en vue au-dessus de ceux  qui garnissaient le sol froid fait de pierres. Le soir venu, après avoir soupé avec la reine, sa mère, et sa sœur, le roi son père gardait sa chambre depuis des mois, le prince se cacha derrière de lourdes tentures poussiéreuses non loin de la porte des appartements de Sadakô. Il en avait ouvert les fenêtres au large et lorsque celle-ci poserait un pied sur le tapis magique, Vasisdass prononcerait  la formule secrète qui le ferait s'envoler avec  sa méchante sœur!

 

Tout se passa comme prévu ... sauf à un petit détail près! Le tapis s'envola bien avec Sadakô, qui debout, se cogna fortement la tête sur le montant supérieur de l'encadrement de la fenêtre, perdit connaissance et se retrouva couchée sur le tapis qui lui, depuis des mois enroulé dans un coin du grenier, était un peu engourdi, maladroit et dès qu'il fut sorti de la pièce perdit toute contenance à l'air libre et à cette altitude. Il se roula en boule et chuta violemment au sol au pied de la haute tour. Sadakô perdit la vie et malgré sa félonie eut droit à des funérailles royales. Le roi, son père, en avait décidé ainsi.

 

La cérémonie religieuse fut grandiose pendant que les compliments, loin d'être mérités, se mélangeaient aux odeurs de l'encens et aux chants funéraires. L'unité de la famille royale était sauvé. Puis au cimetière un second grain de sable devait bouleverser la mise en terre du cercueil. Celui ci à peine posé dans le trou, le sol s'ouvrit sous lui, très profondément, les flammes de l'enfer étaient visibles à l'œil nu des présents, le cercueil y disparut. La tombe se referma mystérieusement toute seule, la pierre prévue se mit en place sans l'aide des hommes et la gravure préalablement inscrite était effacée ne laissant visibles que deux dates, naissance et décès. Cela donnait ainsi au tombeau un anonymat que les forces supérieures à celles des humains souhaitaient pour supprimer de la terre  toute trace de celle qui avait failli commettre un fratricide. Royal, qui plus est!

 

Le roi, la reine et le prince, une fois revenus au château, convoquèrent le biographe de la famille et d'un commun accord, lui ordonnèrent de supprimer le nom de Sadakô, compte tenu des récents événements, de l'arbre généalogique de la famille royale. Ceci fut fait sur l'heure et en toute bonne conscience. Ce qui deviendra plus tard, avec le temps, un "oubli" ou une "omission", ne posera des problèmes, genre casse-tête, qu'aux spécialistes et historiens quelques siècles plus tard à condition que ces derniers veuillent bien se pencher sur la vie de ce royaume oublié qui, par le bouche à oreille, sera devenu une  légende ancienne. Survivante, malgré elle, au temps qui file sans aucune pitié pour quiconque.

 

 

 

UNE TRAHISON PEUT DEVENIR MORTELLE,

COMMISE PAR LUI OU PAR ELLE.

MEFIANCE DE RIGUEUR AVANT DE S'Y LANCER,

POUR VIVRE LONGTEMPS, MIEUX VAUT S'EN GARDER!

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Colvert, Baudienville, Novembre 2019.

© Stéphane Bertrand / Mai 2020

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  • Les Contes du Colvert racontent de belles histoires aux enfants jeunes et moins jeunes que l'on peut leur lire le soir avant de s'endormir car: "Les canards comme les paroles s'envolent. Seul les contes du colvert résistent au temps."
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